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J’édite, tu médites

Le souvenir de la rentrée

 

Merci à la maman qui nous fait partager cet article extrait du Figaro Madame n°1099 du 17/09/2005 que nous reproduisons ici.

« JE N’AI JAMAIS ETE l’un de ces enfants qui pleuraient sur le perron de l’école le jour de la rentrée, agrippés aux jambes de leur mère, suspectant je ne sais quel abandon. Tout au contraire, j’éprouvais une telle ivresse à l’idée de découvrir de nouveaux maîtres, de nouveaux camarades, de nouveaux cours -en un mot, « un nouvel âge »- que, bien avant que nous arrivions à l’établissement, je sautais de la voiture familiale en criant « à ce soir ! » sans me retourner. Parfois, devant ces enfants sanglotants qui occupaient tous les adultes disponibles et qui devenaient l’objet de tous les soins, je me demandais d’ailleurs si je n’avais pas tort : peut-être étais-je dépourvu de cœur ? Ou d’à-propos…

A la fin de mes études, j’ai craint un instant de ne plus connaître de « rentrées », mais, devenant professeur, puis dramaturge, enfin romancier, j’abordais chaque fois d’autres rentrées, universitaires, théâtrales, littéraires.

Qu’est-ce qu’une rentrée ? La rentrée n’est pas la fin des vacances ni la reprise du travail, c’est surtout… une promesse… un rendez-vous amoureux, un désir qui va obtenir satisfaction… un projet qui donne envie d’exister… un mariage avec l’inconnu.

Sans rentrée, la vie ressemble à la mort. Qui -sincèrement- se souhaite le repos éternel ? Les vacances, il faut en cultiver la nostalgie, guère davantage.

J’aime cette idée que, annuellement, une vie différente nous attend. A quarante ans passés, je veux croire que les deux mois de l’été, comme l’incubation d’une larve, nous permettent de devenir autres, nous offrant une hallucinante poussée de croissance qui nous rend « plus grands » en septembre.

Il n’y a que les historiens et les comptables qui comptent les années à partir de janvier… Nous, dans notre cœur, à sa subite accélération, aux perspectives neuves qui s’annoncent, nous ne ressentons un changement qu’à l’automne.

Certes, les rentrées ne sont pas dépourvues d’illusions, telles ces horribles et intenables bonnes résolutions que nous prenons, allongés sur les plages, chimères de régime, de sport, de leçons de danse ou de cours du soir. En quelques jours, ces vœux pieux -ou plutôt ces vœux formulés dans un pieu- s’évanouiront pour laisser place à l’essentiel, les rencontres, les nouveautés, les projets repris avec une énergie reconstituée.

Je me suis dessiné un calendrier singulier, un calendrier où chaque mois reçoit le nom d’une vertu philosophique, car les qualités de l’âme aussi ont leur période, leur histoire, leur météorologie, leur almanach : septembre s’y appelle l’optimisme… »

Eric-Emmanuel Schmitt

 

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